Le quatrième rapport commun aux cinq associations présentes en centre de rétention administrative (Assfam, Forum Réfugiés, France terre d’asile, La Cimade et l’Ordre de Malte), qui vient d’être récemment rendu public, constate la persistance d’atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes retenues.
En 2013, ce sont plus de 45 000 personnes qui ont été privées de liberté. Le nombre de retours forcés a également augmenté atteignant 44 458 personnes contre 38 652 en 2012. L’année 2013 marque aussi une augmentation du nombre d’enfants en rétention, essentiellement à Mayotte où 3 512 mineurs ont été enfermés contre 2 575 en 2012.
Le rapport relève que « le droit de vivre en famille est l’objet d’atteintes graves et récurrentes. Ainsi, les associations sont témoins d’éloignement de personnes qui justifient pourtant d’attaches privées et familiales conséquentes sur le territoire français. Des personnes arrivées très jeunes sur le territoire français et y ayant la majorité, voire la totalité, de leurs attaches privées et familiales, sont placées en rétention et éloignées. L’enfermement et l’éloignement au détriment de la cellule familiale touche également des parents ou futurs parents d’enfant(s) français tout comme des conjoints de Français ou des personnes s’apprêtant à se marier avec un ressortissant français. Dans le cas des pères d’enfant(s) français, la principale difficulté consiste à prouver leur participation effective à l’entretien et l’éducation de leur(s) enfant(s) dans les délais très courts ouverts par la procédure en rétention. Dans le cas des conjoints ou futurs conjoints, c’est la question de la réalité de la communauté de vie qui est posée ou encore de l’entrée sur le territoire, certains n’ayant d’autre choix que de repartir au pays pour y demander un visa long séjour. La baisse du nombre d’enfants placés en rétention en métropole apparaît donc comme un bien maigre progrès lorsqu’elle est analysée dans le cadre plus vaste de la question des atteintes aux droits de l’enfant et au droit de vivre en famille. Les placements d’enfants en rétention sont ainsi toujours le lot quotidien à Mayotte tout comme l’enfermement et l’éloignement de pères et mères de famille que ce soit cette fois depuis la métropole ou depuis l’Outre-mer. Ce tableau noir des atteintes aux droits de l’enfant et des familles est renforcé par les évènements intervenus durant le premier semestre 2014. De janvier à juin 2014, ce sont d’ores et déjà une dizaine de familles, représentant plus d’une vingtaine d’enfants, qui ont été placées en rétention en métropole. Les décisions de justice sanctionnant ces placements n’y font rien, l’administration persiste dans sa course effrénée à l’expulsion quand bien même il est question ici du respect des droits de l’enfant… » (p. 47).
S’agissant plus précisément des couples franco-étrangers, le rapport souligne qu’en 2014, au moins 22 personnes étrangères ont été interpellées dans le cadre de l’enquête diligentée sur leur mariage avec un.e ressortissant.e français.e (p. 14). Et donne plusieurs exemples de personnes en couple franco-étrangers qui ont été placées en rétention en vue de leur éloignement :
« Monsieur C ressortissant camerounais, est placé au CRA du Mesnil-Amelot le 13 novembre 2013 par la préfecture du Val-de-Marne, sur la base d’une OQTF du même jour. Sa concubine, ressortissante française, est alors enceinte de 9 mois. M. C a effectué une reconnaissance prénatale. Il présente de sérieuses garanties de représentation, puisque son passeport est aux mains de l’administration et qu’il dispose d’une adresse stable avec sa concubine. Malgré l’imminence de l’accouchement, il ne sera libéré ni par le TA, ni par le JLD, ni par la CA. L’enfant naît le 26 novembre alors que son père est enfermé au CRA. Le ministère de l’Intérieur, saisi de cette situation le 21 novembre, prononce finalement sa libération le 3 décembre. Durant une semaine, un nouveau-né et sa maman française ont été privés de leur père et conjoint. M. C n’a pu être présent ni lors de la naissance de son enfant ni pendant les sept premiers jours de sa vie. » (p. 47)
« Acharnement punitif à l’encontre d’un futur père d’enfant français. En janvier, un futur père d’enfant français s’est vu enfermer au centre de rétention de Rennes par la préfecture de la Loire-Atlantique à sa levée d’écrou alors que sa compagne était arrivée au terme de sa grossesse et que l’administration avait connaissance de la situation familiale de monsieur. Condamné à une interdiction judiciaire du territoire français par le tribunal de grande instance de Nantes, il avait interjeté appel contre cette décision et le délibéré de la CA de Rennes était prévu après la date de levée d’écrou. à sa sortie de prison, la préfecture a donc pallié cette attente en édictant à l’encontre de monsieur une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d’une interdiction administrative de retour de trois ans. C’est donc par téléphone et enfermé que monsieur a pu se féliciter avec sa compagne de la naissance de leur petite fille. Pourtant, et malgré l’annulation de l’interdiction du territoire français par la cour d’appel de Rennes en cours de rétention, monsieur ne pouvait toujours pas prétendre vivre auprès de son enfant en raison de l’interdiction de retour sur le territoire français, véritable mesure de bannissement l’empêchant de régulariser sa situation. » (p. 120)
« Détournement de pouvoir et droit au mariage. La seconde moitié de 2013 a été marquée par de nombreux placements de personnes qui s’apprêtaient à contracter mariage avec une ressortissante française. On peut signaler le cas emblématique d’un ressortissant tunisien placé par la préfecture d’Ille-et-Vilaine. Il présentait un ensemble d’éléments justifiant du mariage (faire-part, réservation de la salle de mariage, achat de la robe de ma- riée et du costume du marié, alliances), de la sincérité de cette union (photos, attestations des proches et de la famille) ainsi que de son intention de faire un déplacement en Tunisie suite à la célébration du mariage afin de déposer une demande de visa long séjour au consulat de France à Tunis en tant que conjoint de Français (présentation des billets d’avion). Pour certains de ces futurs jeunes mariés, le procureur avait diligenté une enquête afin de prononcer le sursis à mariage ou d’autoriser sa célébration au regard de la sincérité de l’union. Le tribunal administratif de Rennes a annulé à plusieurs reprises les décisions de reconduites prises à l’encontre des intéressés. Il a considéré qu’il s’agissait d’un détournement de pouvoir, en raison de la précipitation dans laquelle l’administration avait agi en notifiant une décision de reconduite sans délai et un placement en rétention sans attendre la célébration du mariage ou l’issue de l’enquête diligentée par le procureur » (p. 120).
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