Selon une circulaire du ministère de la Justice, le mariage pour tous n'est pas ouvert à tous les couples homosexuels. Les ressortissants de 11 pays étrangers ne peuvent profiter de la nouvelle loi en raison de conventions internationales.
Depuis le 17 mai, la loi dite du mariage pour tous autorise en France l’union entre personnes du même sexe. Mais dans les faits, le mariage homosexuel n’est finalement pas accessible à tous les couples. Dans une circulaire de présentation de la loi, datant du 29 mai et signée par la ministre de la Justice Christine Taubira, il est en effet précisé que les ressortissants de 11 pays sont exclus de ces unions : Pologne, Maroc, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Serbie, Kosovo, Slovénie, Cambodge, Laos, Tunisie et Algérie. "Lorsqu'un mariage sera envisagé entre deux personnes de même sexe, dont l'un des futurs époux est ressortissant de l'un de ces pays, l'officier de l’état civil ne pourra célébrer le mariage", précise le texte.
En cause, des accords signés par la France avec ces pays, issus pour la plupart des anciennes colonies ou de l'ancienne Yougoslavie et où le mariage homosexuel est interdit. Selon ces textes, les conditions du mariage sont soumises, pour chacun des futurs époux, à la loi de leur pays respectif.
"La France a notamment conclu certains de ces conventions au moment de la décolonisation dans les années 1960", explique à FRANCE 24 Mathias Audit, professeur de droit à l'université de Paris Ouest – Nanterre- La Défense. Ces accords avaient alors pour but de respecter l'identité religieuse de chacun des pays concernés mais aussi "de régler le statut des travailleurs immigrés ou la situation des personnes originaires de France qui restaient alors dans ces pays et qui souhaitaient rester soumis à la loi française. Ces règles ont perduré", ajoute Mathias Audit.
"Une rupture d’égalité"
À l’annonce de cette circulaire, les associations de défense des droits des homosexuels n’ont pas caché leur désarroi. Président de l’Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et transsexuelles à l’immigration et au séjour (Ardhis), Philippe Colomb a déjà été contacté par plusieurs couples : "Je pense notamment à un Français et à un Algérien qui parlaient depuis plusieurs mois de se marier. Ils sont extrêmement déçus et pensent qu’encore une fois ils sont exclus d’un droit en tant que Maghrébins". "C’est clairement une rupture d’égalité, du point de vue de la personne étrangère, mais aussi du Français ou de la Française qui ne peut pas se marier avec la personne de son choix", dénonce-t-il.
Aux Amoureux au ban public, une association qui aide les couples franco-étrangers, les interrogations sont nombreuses. Le problème posé par cette circulaire n’est pas uniquement symbolique. "Sans mariage, il y a des couples qui aujourd’hui ne peuvent pas consolider leur situation administrative. Ce n'est pas parce qu’on est en couple avec un Français qu’on ne risque pas l’expulsion", constate Charlotte Rosamond, la coordinatrice nationale de l’association.
Une impasse juridique ?
Mais d’un point de vue juridique, "ces mariages sont pour l’instant impossible, sauf si l’époux ou l’épouse étranger change de nationalité", résume Mathias Audit. Selon ce professeur de droit, pour permettre ces unions, il faudrait que les autorités françaises dénoncent les différentes conventions bilatérales : "Mais cela serait compliqué, notamment pour celles issues de la décolonisation, car elles traitent d’autres questions, comme de sujets économiques. Si on dénonce une convention, on touche au texte en entier".
Les couples concernés par ces exceptions pourraient aussi choisir la voie judiciaire et attaquer l’État français pour "discrimination". "Il faudrait épuiser les recours en droit français, aller jusqu’au Conseil d’État, ou se tourner vers la Cour européenne des droits de l’Homme", précise Mathias Audit.
"Réaffirmer le principe d’égalité"
De leur côté, les associations attendent surtout une réaction des autorités françaises et notamment du ministère des Affaires étrangères. "Il y a une difficulté juridique évidente, mais elle est sûrement surmontable. Il faudrait que la France accepte de célébrer ces unions et affirme auprès des 11 pays concernés son attachement au principe d’égalité des citoyens par rapport au mariage", estime ainsi Philippe Colomb de l’Ardhis.
D’après lui, la France est d’ailleurs beaucoup moins regardante lorsqu’il s’agit de certains mariages hétérosexuels. Selon la convention établie avec l'Algérie en 1962 lors des accords d'Évian, une femme musulmane algérienne n’a ainsi pas le droit de se marier en France avec un homme d’une autre religion, mais dans les faits "ces mariages sont pourtant célébrés". Les différentes associations concernées par ce problème doivent se réunir la semaine prochaine pour définir une stratégie commune et interpeller les pouvoirs publics. "On sait que ce sera long, mais c’est inacceptable. On ne peut pas rester dans cette situation", conclut Philippe Colomb.
Par Stéphanie TROUILLARD
27 juin 2013
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