Vu sur le blog du sénateur Richard Yung.
Saisi par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative aux conditions de contestation par le parquet de l’acquisition de la nationalité par mariage, le Conseil constitutionnel s’est prononcé, par décision en date du 30 mars dernier, sur la conformité à la Constitution des articles 21-2 et 26-4 du code civil.
L’article 21-2 du code civil fixe les conditions à remplir pour acquérir la nationalité par mariage. Contesté dans sa rédaction résultant de la loi du 16 mars 1998 relative à la nationalité, cet article permet au conjoint d’une personne de nationalité française d’acquérir la nationalité par une déclaration qui ne peut en principe être faite moins d’un an (*) après le mariage et à la condition qu’à la date de cette déclaration, la communauté de vie n’ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité.
Quant à l’article 26-4 du code civil, il fixe les modalités de contestation par le ministère public de l’enregistrement de la déclaration de nationalité française par mariage. Contesté dans sa rédaction résultant de la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, cet article dispose notamment que, même en l’absence de refus d’enregistrement, la déclaration peut encore être contestée par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte (première phrase du 3ème alinéa) et prévoit que constitue une présomption de fraude la cessation de la communauté de vie entre époux dans les douze mois suivant l’enregistrement de la déclaration (seconde phrase du 3ème alinéa).
En d’autres termes, le procureur de la République peut contester de façon perpétuelle l’enregistrement de la déclaration de nationalité française par mariage, la charge de la preuve reposant sur le conjoint devenu français. Les couples binationaux sont ainsi placés dans une situation d’insécurité juridique que mes collègues du groupe socialiste et moi-même n’avons eu de cesse de dénoncer au cours des dernières années.
Le Conseil constitutionnel a jugé que les articles 21-2 et 26-4 du code civil ne portent pas atteinte au droit au respect de la vie privée.
En revanche, les juges de la rue Montpensier ont considéré que l’application combinée des dispositions de la première (point de départ « glissant » de la prescription) et de la seconde phrase (présomption de fraude) du troisième alinéa de l’article 26-4 du code civil porte une « atteinte excessive aux droits de la défense ». Une personne qui a acquis la nationalité française en raison de son mariage doit en effet « être en mesure de prouver, sa vie durant, qu’à la date de la déclaration aux fins d’acquisition de la nationalité, la communauté de vie entre les époux, tant matérielle qu’affective, n’avait pas cessé ».
Pour autant, le Conseil constitutionnel n’a pas censuré la procédure de contestation perpétuelle de l’acquisition de nationalité par mariage. Il s’est contenté d’émettre une réserve d’interprétation s’agissant de la présomption de fraude, qui ne doit « s’appliquer que dans les instances engagées dans les deux années de la date de l’enregistrement de la déclaration ». Pour celles engagées postérieurement, il appartient au parquet d’apporter la preuve du mensonge ou de la fraude.
(*) : La loi « Sarkozy II » du 24 juillet 2006 a porté ce délai à quatre ans. Ce délai est de cinq ans « lorsque l’étranger, au moment de la déclaration, soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage, soit n’est pas en mesure d’apporter la preuve que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l’étranger au registre des Français établis hors de France ».
Voir par ailleurs le commentaire de la décision par le Conseil constitutionnel.
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