À l’approche de l’échéance présidentielle, Nicolas Sarkozy durcit encore le ton à l’encontre des étrangers. Sa nouvelle croisade : les mariages mixtes, première source d’immigration légale en France. Le montant des ressources et la surface du logement seront désormais pris en compte pour obtenir un titre de séjour. En clair, les pauvres n’ont plus le droit de tomber amoureux.
Nicolas Sarkozy a déclaré le 11 février dans le Figaro Magazine vouloir durcir les conditions d’obtention d’un titre de séjour après mariage avec un Français, en introduisant des critères de « logement » et de « ressources » comme pour le regroupement familial. « Ainsi, nous combattrons plus efficacement les fraudes », souligne-t-il. Une déclaration qui a fait bondir le collectif des Amoureux au ban public, association de soutien et de défense des droits des couples franco-étrangers. « S’il s’agit réellement de contrôler la sincérité des sentiments des couples franco-étrangers, le compte en banque n’en est certainement pas le meilleur révélateur. » Cette proposition confirme une chose selon le collectif : « Les couples franco-étrangers dérangent. »
Déjà en 2006, alors ministre de l’Intérieur…
D’après cette annonce, les conditions d’obtention des titres de séjour seront les mêmes que celles du regroupement familial. Dès 2006, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, fait voter une loi rendant plus difficile le regroupement familial. Le délai de séjour régulier de l’étranger en France passe d’un an à dix-huit mois. Et porte de deux à quatre ans le délai d’attente pour acquérir la nationalité française après mariage, avec une obligation de trois ans de résidence régulière et ininterrompue du conjoint étranger en France.
Des critères de revenus et de logement sont également exigés. Deux membres d’une famille séparés par des frontières peuvent se retrouver à condition que leur revenu atteigne le niveau du Smic sur les douze derniers mois précédant la demande et que la surface du logement ne soit pas inférieure à 22 m2 (+ 5 m2 par personne supplémentaire). Avec la mesure proposée, il en serait de même pour un couple. Nicolas Sarkozy souligne qu’avec la réforme sur le regroupement familial, ce dernier « est passé de 25 000 par an à 15 000 ».
Étrangers = fraudeurs : l’équation gouvernementale
L’enjeu avec cette nouvelle annonce sur les couples franco-étrangers est de réduire le nombre de migrants obtenant un visa à l’issue d’une union. En 2009, 35 611 visas ont été délivrés à des conjoints étrangers [1]. La même année, 345 mariages ont été annulés pour « mariages blancs » ou « gris », soit à peine 0,5 % des unions mixtes.
Interrogé par l’AFP, Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), s’est dit « complètement abasourdi par cette proposition » sur les conjoints étrangers. « En quoi la taille de l’appartement d’un conjoint ou sa richesse seraient des indicateurs de fraude ? Autant dire que les Français pauvres ne pourront pas se marier à des étrangers… On fait du droit des étrangers un droit des fraudeurs », a-t-il dénoncé.
Les freins sont aussi juridiques. Dans un entretien à La Croix, Paul Lagarde, professeur émérite de droit à l’université Paris-I met en avant un premier argument constitutionnel. « Les sages pourront considérer que cette mesure porte atteinte au principe d’égalité du droit, puisque des couples mixtes ne jouiraient pas de la même liberté que des Français unis à des Français », souligne le juriste. Les Amoureux au ban public considèrent que cette mesure « constituerait une véritable atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale » [2].
Croisade contre les immigrés
Après les unions mixtes, Nicolas Sarkozy déclare également entamer une croisade contre les demandeurs d’asile. « Nous allons réformer les prestations accordées aux demandeurs de droit d’asile. Elles seront limitées quand le demandeur ne coopérera pas avec l’administration, quand il déposera sa demande plus de trois mois après son entrée sur le territoire ou quand il refusera une offre d’hébergement. » Toujours dans cet entretien, il réaffirme son opposition au droit de vote des immigrés aux élections locales, jugeant que « ce n’est vraiment pas le moment, avec tous les risques de montée du communautarisme ». À l’approche de l’échéance présidentielle, Nicolas Sarkozy marche décidément à pas de « Guéant » sur le territoire du Front national.
Sophie Chapelle
Notes
[1] Selon le rapport remis au Parlement en décembre 2011 sur Les orientations de la politique de l’immigration et de l’intégration.
[2] Selon l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
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